L’OSINT dans la lutte contre les opérations de désinformation : Russie et Afrique

GÉOPOLITIQUE OSINT

L’OSINT dans la lutte contre les opérations de désinformation : Russie et Afrique

Par Projet Fox

En plus de sa stratégie d’influence visant les pays occidentaux et plus particulièrement l’Europe, la Russie est également particulièrement impliquée sur le continent africain, avec une nette prédominance pour les opérations de désinformation. Il s’agit pour Moscou d’investir les réseaux africains afin d’exploiter et d’amplifier les messages anticoloniaux, de s’ériger en puissance révisionniste pour un ordre mondial supposé plus juste et d’affirmer sa force à la faiblesse supposée des armées occidentales qui sont intervenues dans les dernières décennies. Cette désinformation s’appuie sur des intermédiaires étatiques, des relais d’influence locaux, et profite de l’essor des médias sociaux africains.

L'ingérence russe dans le champ informationnel africain

Au cours des dernières années, plusieurs exemples marquants témoignent de l’implication de la Russie dans la création de fausses informations sur le continent africain, bien souvent pour discréditer l’occident. En avril 2022, des vidéos prises par un drone de l’armée française montrent des hommes recouvrant des cadavres avec du sable, au nord du Mali à proximité de la base militaire de Gossi, dans le but d’accuser la France d’exactions. A l’époque, il s’agit d’une des rares occasions où la France a accusé le Groupe Wagner d’attaque informationnelle et de manipulation, preuves à l’appui.

Au printemps 2023, les Wagner Leaks ont révélé l’intégration du projet « Magadan » dans la structure du projet Lakhta. Cet instrument de désinformation, financé et exploité par Prigozhin, avait déjà été utilisé aux États-Unis en 2020 pour semer la discorde sur des sujets comme l’immigration, les armes à feu et les droits des femmes. Malgré les efforts du gouvernement américain et du FBI pour contrer ses activités, « Magadan » continue de diffuser une propagande anti-occidentale dans les pays africains où Wagner est présent.

Bien que le Kremlin ait toujours nié tout lien avec ces mercenaires, les preuves établissent désormais clairement cette connexion.

Au Soudan, une société supervisée à l’époque par Prigozhin a obtenu l’autorisation du gouvernement pour entreprendre des activités d’extraction d’or. En 2018, Wagner a dépensé environ 50 000 euros pour influencer le contenu éditorial et les opérations de médias tels que Khartoum Star, Radio Africa et Sudan Daily, dans le but de promouvoir la propagande pro-russe. Des actions similaires ont été observées au Mali, la République centrafricaine, le Burkina Faso, le Niger et Madagascar, entre autres.

Le cas : African Initiative

Le média russe en Afrique African Initiative appuie les objectifs de désinformation et d’influence russe sur le continent et illustre quels moyens sont employés pour y parvenir.

Nous ne sommes pas les premiers ni les derniers à nous intéresser à African Initiative. En effet, Le Monde a publié un article sur cet organe de propagande russe en mars dernier. AllEyesOnWagner s’est intéressé aux activités d’African Initiative au Burkina Faso. Disinfo.africa a également abordé African Initiative dans un article où ils se sont intéressés à leur présence sur les réseaux sociaux, aux rédacteurs présents sur le site WordPress et à quelques campagnes d’influence diffusées par l’organisation en Afrique.

En février 2024, l’organisation a été épinglée par le département d’État américain pour une campagne de désinformation visant à saper les projets de santé publique financés par les États-Unis en Afrique, en commençant par utiliser la désinformation concernant une épidémie de maladie virale transmise par les moustiques.

Le média émerge d’abord de canaux Telegram russes. African Initiative se veut être un pont informationnel entre la Russie et l’Afrique. Le média a pour objectif de sensibiliser le public russe aux « nombreuses opportunités qui s’ouvrent à la Russie en Afrique, des habitants du continent ». Le contenu partagé va du rôle de l’armée russe en Afrique, jusqu’aux opportunités professionnelles.

Parmi ces présentations se trouve celle d’un homme, Artyom Kureev. Selon sa fiche, il serait l’éditeur en chef du média African Initiative.

Selon The Insider, média indépendant spécialisé dans le journalisme d’investigation, Artyom Kureev serait un agent présumé du 5e service du FSB, un service dédié aux relations internationales. L’homme aurait notamment participé au recrutement d’une députée lettone pour les intérêts du FSB.

En parcourant la page « à propos  » du site, on retrouve les présentations d’autres personnes en charge du média. Ces présentations ne sont disponibles que dans la langue russe du site.

Afin d’en savoir plus sur Artem Kureev et son média, nous retournons sur le site web d’African Initiative où à partir du nom de domaine, Afrinz[.]ru, les recherches whois ressortent la société à l’initiative de son achat : INITSIATIVA – 23 LLC. En se rendant sur le registre de commerce russe, on retrouve M. Kureev comme directeur général de INITSIATIVA – 23. Les dates nous apportent également une note intéressante : le nom de domaine a été créé le 13 septembre 2023 et la société a été enregistrée sur le registre du commerce le 21 septembre 2023.

La fiche juridique de la société est devenue un pivot pertinent pour établir une analyse OSINT financière, FININT (Financial Intelligence). Sur un service russe de consultation de personnes morales et d’entrepreneurs, nous obtenons un schéma financier.
Le graphique contient de multiples informations qui ne sont certes pas toutes liées à nos sujets, que sont M. Kureev et INITSIATIVA – 23. Quand bien même, nous parvenons à déceler de nouveaux liens.
Pour ce qui est de INITSIATIVA – 23, société à l’origine de l’acquisition du nom de domaine, on retrouve Artem Kureev mais également un second individu du nom de Volsok Sergei Anatolyevich. Ce dernier serait un bénéficiaire actif de la société.
Nous obtenons une information supplémentaire, permettant d’identifier M. Kureev ayant un rôle dans une autre société appelée « CENTRE DE COOPÉRATION INTERNATIONALE : APPRENDRE EN RUSSE ». Artem Kureev semble donc particulièrement impliqué dans la promotion de la Russie et de ses intérêts à l’étranger.

À présent, nous allons examiner de plus près les divers individus impliqués dans le projet African Initiative, contribuant ainsi aux campagnes d’influence et de désinformation russes sur le continent africain à l’encontre de l’Occident.

Artem et son équipe

Sur la page « À propos » du site web, comme mentionné précédemment, on trouve la présentation de différentes personnalités en charge du média. Artem Sergeevich Kureev, présumé agent du 5e service du FSB, est le Rédacteur en chef de African Initiative et se présente comme politologue et publiciste.

Sur le site de Myrotvorets, une plateforme web ukrainienne basée à Kiev qui établit une liste de personnes considérées comme des « ennemies de l’Ukraine » ou « impliquées dans des activités constituant des crimes contre la sécurité nationale, la paix, la sécurité humaine et le droit international », une page consacrée à Artem. Sur cette page sont répertoriés sa date de naissance, ses numéros de téléphone, son adresse e-mail et son numéro de passeport. Bien que ces informations soient potentiellement utiles pour suivre des individus comme Artem, il est difficile, dans notre cas, de confirmer leur fiabilité.

La deuxième personnalité présentée sur la page d’African Initiative se nomme Anna Sergeevna Zamaraeva.

Anna Zamaraeva a un parcours professionnel riche et varié. Avant de travailler pour African Initiative, Anna était responsable de la communication avec les médias et les blogueurs au Centre Wagner à Saint-Pétersbourg. Des vidéos montrent des blogueurs russes visitant les locaux du groupe Wagner en sa compagnie.

Diplômée de la Faculté d’histoire de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg, Anna a occupé le poste d’assistante publique du chef de la commission du budget et des finances de l’Assemblée législative de Saint-Pétersbourg. Elle a ensuite été élue députée du conseil municipal du district municipal de Vassilievski. Anna a dirigé le Comité anti-corruption de la branche régionale de Saint-Pétersbourg du parti russe LDPR, chargée d’identifier les faits de corruption dans les cercles de pouvoir de la ville. Elle a également animé un podcast appelé « Свободные Уши » (Free Ears) et a été maître de conférences à l’Université des technologies de gestion et d’économie de Saint-Pétersbourg.

Nous ne savons pas exactement quand a-t-elle quitté sa carrière politique pour travailler au service de Wagner, mais il semble que cela ait eu lieu en 2023.

Après la mort de Prigojine et le changement de nom du Centre Wagner, celle-ci a refusé de commenter les raisons du changement de marque aux journalistes russes. Cependant, à la suite de la rébellion ratée de Wagner et après une perquisition, elle déclara que le Centre Wagner continuerait à mener des projets à l’avenir. En août 2023, en réponse aux questions du média russe indépendant Meduza, elle dit ne pas pouvoir commenter les activités du Centre Wagner car elle avait changé d’emploi, sans préciser aux journalistes de Meduza quel était son nouveau poste.

Anna est maintenant la rédactrice en chef adjointe du site African Initiative, et nous pouvons la voir dans certaines images dans les locaux de l’organisation.

Troisième et dernier « expert » d’African Initiative : Darko Todorovski.

Présenté comme correspondant et analyste militaire d’African Initiative, Darko est un « journaliste » qui a écrit des articles pour balkanist.ru, semblable à un think thank, dont les membres sont liés à la région des Balkans. Darko est macédonien, il a étudié les relations internationales en Russie après un bachelor en économie internationale en Macédoine du Nord. Il n’a jamais travaillé en tant que journaliste dans une véritable organisation hormis des contributions pour balkanist.ru et pour le Russian Council of International Affairs. En outre, il était très actif sur les réseaux sociaux avant 2023, notamment sur Twitter.

Sur Twitter, Darko partage un bon nombre d’informations pro-russes provenant de chaînes Telegram. Il a cessé son activité quelques jours après le début de l’invasion russe en Ukraine. Il soutenait l’idée que l’invasion n’aurait pas lieu et que ce sont les médias occidentaux qui propageaient cette idée. Il convient néanmoins de souligner que, bien que cette personne soit pro-russe, son CV a été réalisé grâce à « Europass », une plateforme mise à disposition par l’Union européenne. Darko est encore actif sur balkanist.ru, avec plusieurs articles par mois.

En juin 2023, Darko a été épinglé par Christo Grosev, un journaliste d’investigation bulgare qui travaille également pour Bellingcat, pour diffusion de propagande russe dans la région des Balkans. Grozev a affirmé que des textes contenant de la propagande russe, rédigés par les renseignements militaires russes, étaient distribués aux médias bulgares par l’intermédiaire du Macédonien Darko Todorovski en échange de paiements en espèces de 150 à 300 euros. Darko se présente comme correspondant et expert sur les sujets russo-ukrainiens, de nombreux médias bulgares citent ses reportages. Par exemple, Todorovski a publié dans le journal bulgare Pogled un article suite à la prise de Marioupol par l’armée russe. Dans son article, il affirme que les citoyens sont heureux que les russes et « l’armée de Donetsk » soient à Marioupol. Des éléments importants sont pourtant omis de son rapport. Par exemple, pas un mot n’est mentionné sur les charniers remplis de victimes ukrainiennes à Marioupol. Or, le rapport de Todorovski a été rédigé quinze jours après que les autorités ukrainiennes ont révélé que près de Marioupol des charniers avaient été découverts ainsi que des tranchées dans le village de Manush à Donetsk, pour lesquelles Vadym Boichenko (ancien maire de Marioupol) a affirmé que les forces russes ramassaient les corps dans des camions et les jetaient pour cacher leurs atrocités. Ce sujet n’est jamais mentionné dans les reportages de Todorovski sur Marioupol.

Nous ne disposons pas actuellement d’informations précises sur le travail que Darko aurait pu effectuer chez African Initiative.

Par la suite, nous avons pu exploiter l’API WordPress du site web du média, ce qui nous a permis de récupérer les pseudonymes des rédacteurs et ainsi mieux comprendre qui participe à l’activité de cette organisation.

Grâce à cela et à une recherche approfondie du site, nous avons pu recueillir les identités de divers auteurs travaillant pour African Initiative, dont certains n’ont pas de compte sur le site web :

  • Alexandre K.
  • Alexeï G.
  • Artem B.
  • Dmitry N.
  • Iuliia R. K.
  • Mousa Adel G.
  • Oleg A.
  • Andreï D.
  • Maxim S.
  • Maxim R.
  • Elizaveta A.
  • Maxim R.
  • Alena F.
  • Ers B.
  • Alexei G.
  • Mikhail P.
  • Victor V.
  • Anastasia B.
  • Ekaterina E.
  • Sergei E.
  • Anastasia M.
  • Ilya L.
  • ….

La liste n’est pas exhaustive, mais cela donne un aperçu de l’équipe qui se cache derrière cette organisation.

Dans la suite de notre article, nous nous sommes intéressés aux profils de certains auteurs.

Ilya L.

L’un des rédacteurs, nommé Ilya L., avait une adresse mail en pseudo. Grâce à une recherche EPIEOS, nous avons pu confirmer son nom, les informations correspondaient. 

Contributions de Ilya L. sur African Initiative, l'auteur semble avoir rejoint l'équipe de rédaction récemment

Son identité désormais établie,  il est possible de récolter d’importantes informations avec ses comptes Instagram, Facebook et Telegram Par la suite, nous avons notamment fait un cross checking des informations collectées. 

Nous pouvons désormais établir le portrait de ce rédacteur du média. Nous savons qu’Ilya est bilingue français et russe, qu’il a une certaine passion pour la littérature de ces deux pays. Il se rend régulièrement dans des bibliothèques ou librairies et partage avec ses abonnés différents ouvrages. Sur son compte Facebook, nous relevons plusieurs publications partageant le narratif pro-russe. Il publie régulièrement sur les réseaux sociaux, notamment sous le format de story. Cette fonctionnalité apporte de nombreuses informations sur ses activités en temps réel, qui nous permettent désormais de le géolocaliser.

Nous avons utilisé Geospy, une récente intelligence artificielle dédiée à la géolocalisation. Sur cette photo, l’outil ressort un faux positif : Le Liban. Mais en consultant les sources, nous confirmons qu’il s’agissait en réalité de la ville de Bagdad en Irak. Le 26 mars 2024, au moment de notre présentation au FIC, Ilya était toujours présent dans le pays. De plus, après un court séjour dans le Kurdistan irakien, il se trouvait toujours en Irak le 16 avril.

Alexandre K.

Alexandre K., également connu sous le pseudo « renegadeofage » sur le site web, est l’un des auteurs que l’on retrouve sur le site. Ce dernier utilise le même pseudo sur Twitter. Après un nettoyage complet, il ne reste plus rien sur son compte, à l’exception d’une photo d’Alexandre. Cependant, sur Wayback Machine, nous avons trouvé plusieurs informations intéressantes sur cet auteur.

Twitter/X
Waybackmachine

Grâce à sa bio Twitter, nous avons découvert qu’il travaillait pour un journal russe appelé « Tomix-33 », ce qui a été confirmé par des articles dont il en est l’auteur. Tomix-33 est un journal local de la ville de Vladimir, à environ 170km de Moscou, en Russie. En 2022, Tomix-33 possédait un nom de domaine en alphabet latin, mais actuellement, son nom de domaine est écrit en cyrillique.

Dans l’historique de Wayback Machine du précédent nom de domaine du site, en alphabet latin, on trouve des articles de désinformation pro-russe datant du début de l’invasion russe en Ukraine.

Sur le site en cyrillique, on trouve des sondages anti-IVG sur la page d’accueil :

Alexandre était l’éditeur en chef du site, et l’on retrouve plus de 1400 articles qui font mention d’Alexandre Kholodov ou qui ont été écrits par lui.

En fouillant le site, on découvre qu’un autre auteur d’African Initiative, Andrei D., était l’un des collègues d’Alexandre chez Tomix-33. On retrouve plusieurs articles qui le mentionnent sur ce site. 

L’activité des deux individus sur le site s’arrête en juin 2023. En fouillant, on peut trouver des informations supplémentaires sur eux, telles que le fait qu’Andrei a voyagé en Iran à l’automne 2022 et qu’il aurait 29 ans. On retrouve également une chaîne YouTube @True_Reporter appartenant aux deux Russes, ainsi qu’une chaîne Telegram qui y est associée.

Dmitry N.

Selon les informations de disinfo.africa, Dmitry N., également connu sous le pseudo Nikitinde97, est un journaliste travaillant pour le média russe privé RTVI. Au cours de son travail, il a reçu de nombreux droits de réponse de la part de l’ancien leader de Wagner, Yevgeny Prigozhin. En novembre 2023, Dimitry a participé à une table ronde organisée par African Initiative, portant sur les spécificités de l’influence de l’information étrangère et la transformation de la guerre de l’information. Lors de cette table ronde, il a été souligné qu’en raison de l’influence croissante de la Russie sur le continent africain, une étude approfondie du fonctionnement des centres d’analyse est nécessaire pour élaborer des campagnes « défensives » et proactives afin de contrer la « propagande occidentale ».

Dmitry a été actif sur RTVI jusqu’en octobre 2023, où il a publié de nombreux articles, dont plusieurs portaient sur la PMC Wagner.

En se référant à son compte Facebook, on constate qu’il a commencé à travailler pour RTVI en décembre 2021 et qu’avant cela, il était également journaliste pour d’autres médias, dont Daily Storm.

Ioulia R. K.

Comme avec Ilya L., l’une des rédactrices nommées Ioulia R. K. avait utilisé une pseudo-adresse e-mail. Cela nous a permis de trouver un certain nombre d’informations intéressantes. Elle est diplômée en histoire du journalisme de l’École de journalisme et de communication de masse de l’Université d’État de Saint-Pétersbourg.

En 2014, elle a participé à la 53e conférence internationale « Les médias dans le monde moderne – Lectures de Saint-Pétersbourg 2014 » dans son école. En 2018, elle a également participé à des conférences dans son école à Saint-Pétersbourg, donnant notamment un « Jeu-séminaire » sur l’Histoire du journalisme.

En 2019, elle a pris part à une conférence internationale à Sofia, en Bulgarie, « Balkan Dialogue – 2019 ».

Moussa Adel G.

Moussa Adel G. semble être le spécialiste en langue arabe d’African Initiative. Tout comme Ilya et Iuliia, il a également inclus son adresse e-mail dans son pseudo. Malheureusement, cela ne nous a pas permis de trouver beaucoup d’informations. Cependant, on remarque que la majorité des articles en arabe disponibles sur le site d’African Initiative sont liés au compte de Moussa.

De plus, certains articles en russe, liés à d’autres auteurs, sont également associés à son compte en arabe. Il est possible qu’il s’occupe de la traduction des articles en arabe. De même, parmi les comptes enregistrés sur le site web, c’est le seul qui n’a pas de nom à consonance russe.

A noter qu’au cours de nos recherches, nous avons trouvé un journaliste russo-syrien, pro-russe, pro-Bachar al-Assad et anti-États-Unis portant le même nom et prénom que le journaliste d’African Initiative. Il n’a toutefois pas été possible de déterminer si ces deux profils sont la même personne ou s’il s’agit d’homonymes.

Maxim Reva

Maxim Reva occupe le poste de rédacteur en chef adjoint chez African Initiative. Selon disinfo.africa, Maxim a été analyste à l’Institut du Développement de l’État Contemporain, un groupe de réflexion pro-Medvedev basé à Moscou. Il a été arrêté en 2007 en Estonie, pour avoir été l’un des dirigeants du groupe « Night Watch », qui s’opposait aux appels au retrait du monument au soldat de bronze, une statue commémorant les soldats soviétiques à Tallinn. La statue a finalement été retirée en 2017. Selon la direction nationale de la sécurité estonienne, il a travaillé dans des médias contrôlés par le Kremlin diffusant de la désinformation, de la propagande hostile et incitant à la haine. Maxim Reva a également reçu la médaille « Pour la Crimée » pour son rôle actif dans l’opération hybride russe de 2014 en Ukraine. Il a déclaré que, bien qu’il soit né en Estonie, il se considérait comme un patriote russe. Son permis de séjour Estonien a été révoqué en mai 2022, ses activités étant considérées comme une menace pour l’ordre constitutionnel.

Maxim Reva gère un canal Telegram portant son nom, où il partage de nombreux articles d’African Initiative ainsi que des informations sur les activités de l’organisation.

Grâce à l’un de ses posts, on apprend par exemple que Vitaly T. (Виталий Т.), l’un des rédacteurs d’African Initiative sous le pseudo « taysaevsubscribe », est le « chef du bureau Mali » d’African Initiative. On peut donc en déduire qu’African Initiative fonctionne selon un système de bureaux par pays ou région où l’organisation est active, avec un chef à sa tête et probablement une équipe dédiée.

Maxim a écrit et coécrit plusieurs articles sur le site web, signant la plupart sous le pseudo « Maxim », mais avec l’identité d’un certain « Maxim S****** ». Nous ne sommes pas en mesure de dire si Maxim S. est un pseudonyme de Maxim Reva ou s’il s’agit d’une personne réelle complètement différente.

Beaucoup d’informations sont disponibles sur Maxim Reva. Par exemple, il a été l’un des participants du « Human Dimension Implementation Meeting » à l’OSCE en 2013 à travers son ONG « East-West » basée à Tallinn en Estonie. Il a également fait partie des dirigeants de l’ONG « World Without Nazism », un mouvement international autoproclamé de défense des droits juridiques internationaux. Selon le rapport annuel de 2011 de la direction nationale de la sécurité estonienne, l’organisation avait pour objectif d’être l’organisation parapluie pro-Kremlin la plus influente au monde. Cette organisation avait été fondée par un oligarque russe, Boris Spiegel, proche de Poutine.

Conclusion

A la suite de ces recherches, il est possible de déduire que l’organisation opère selon un modèle de bureaux régionaux en Afrique, chacun dirigé par un responsable supervisant les activités locales. Bien qu’African Initiative se positionne comme un média ciblant à la fois le public russe et africain, certains articles ne sont disponibles qu’en français, ce qui suggère une orientation spécifique vers le public africain. C’est notamment le cas pour un article affirmant que les F16 n’aideront pas l’Ukraine, vantant la force de l’armée russe contre l’armée de l’air ukrainienne avec une rhétorique anti-néocolonialiste et anti-occidentale, disponible uniquement en français et dans aucune autre langue. De plus, tous les rédacteurs ne possédaient pas de compte individuel sur le site, ce qui indique une structure éditoriale complexe où les articles peuvent être attribués à des auteurs mais publiés sous le compte d’autres personnes.

Concernant les profils derrière African Initiative, ont été identifié d’anciens proches de Wagner, des agents affiliés au Kremlin tels que Artem Kureev et Maxim R., ainsi que des journalistes ayant des antécédents avec des médias pro-Kremlin. L’organisation semble également disposer d’équipes de traducteurs dans différentes langues pour faciliter la diffusion des articles.

A la suite de cette présentation lors de la journée OSINT au Forum In Cyber 2024, et de tout cet intérêt pour African Initiative, il semble que l’organisation tente d’améliorer son opsec. En effet, les pages d’auteurs ne sont plus accessibles comme auparavant et redirigent vers la page d’accueil du site. De plus, les sauvegardes de WayBackMachine ne fonctionnent plus pour ces pages. 

L’apparition d’un nouvel utilisateur « Editeur 6 », dont une grande partie des nouveaux articles semble être liée à ce compte, suscite des interrogations quant à son rôle au sein de l’organisation. Est-ce un nouveau rédacteur ? Ou un simple compte pour regrouper certains articles ? Nous ne sommes pas en mesure pour le moment d’en savoir davantage. Il reste encore beaucoup à dire sur African Initiative, cette investigation autour de cet organe de propagande du Kremlin n’étant pas exhaustive.

African Initiative n’est qu’un exemple parmi d’autres des organes d’informations mis en place par la Russie pour servir ses intérêts. Selon The Insider, au cours des six dernières années, le réseau de Prigojine a mis en place un vaste système de groupes Telegram servant les intérêts russes en Afrique et ayant des liens avec African Initiative. Parmi eux, on peut compter : 

  • Smile & Wave (cible : l’Afrique en général, lancement : 14 juin 2019)
  • Gaddafi’s Tent (cible : Libye, lancement : 1 avril 2021)
  • Laying Low in Bangui (cible : RCA, lancement : 9 novembre 2021)
  • Catcher in Sudan (cible : Soudan, lancement : 18 mai 2022)
  • Arab Africa (cible : Afrique arabophone, lancement : 21 juillet 2022)
  • French West Africa was Here (cible : Afrique de l’Ouest, lancement 26 janvier 2023)
  • Africa Behind the Glass (cible : Afrique en géénral, lancement : 30 août 2023)

Pour finir, il semble que la Russie considère African Initiative comme un succès, car l’organisation de propagande s’étend désormais en Asie centrale. Viktor Loukavenko, une figure de la propagande russe en Afrique et fondateur de l’association « African Initiative » au Burkina Faso, est apparu au Kirghizistan dans la première vidéo diffusée sur une chaîne connue sous le nom de « Central Asia Initiative ».